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La Tribune - Vitality : à l’aube des premiers doutes ?

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Article proposé par Philippe "faculty" Rodier. Merci à lui !

"Ce n'est plus de la tristesse, on est arrivé au dégoût, à la haine". Les mots sont durs, le constat est terrible. Le retour à la réalité l’est tout autant. Au micro de France Bleu Paris, le 12 mars dernier, Nicolas Boffredo, le président du Collectif Ultras Paris, confiait ainsi toute son amertume à la suite de l’élimination du PSG face au Real Madrid en huitièmes de finale de la Ligue des Champions. Sur le pré, une nouvelle fois, le club de la capitale a déçu après avoir pourtant pris l’ascendant sur son adversaire lors du match aller, puis ouvert le score au match retour.

Avec la posture d’un projet en construction sous la coupe de Carlo Ancelotti, la Casa Blanca est parvenu à vaincre une formation qui, malgré les investissements massifs réalisés par ses investisseurs orientaux, n’a toujours pas trouvé la clef pour devenir une véritable équipe. Un été doré avec les arrivées de Lionel Messi, Sergio Ramos, Gianluigi Donnarumma ou encore Achraf Hakimi n’aura pas permis aux supporters parisiens de vivre une campagne européenne des plus réjouissantes. Avec ses résultats récents, quelle leçon Vitality peut-elle tirer de cette situation ? C’est la question à laquelle nous allons prendre le temps de répondre.

Peu importe la taille de ses ambitions, le sport n’est pas une équation logique

En arrivant au PSG à l’été 2011, le futur président du club parisien, Nasser al-Khelaïfi, avait pris le temps d’évoquer ses rêves de grandeur en soulignant qu’il souhaitait remporter la fameuse Ligue des champions "sous 5 ans". Chez le dirigeant qatari, l’audace n’a pas de limites. Pour Vitality, au mois de novembre dernier, le CEO du club, Fabien "Neo" Devide, précisait "qu’attendre deux ans pour potentiellement gagner un Major" n’était peut-être pas son "projet".

Ce nouveau projet est celui de Neo. C'est lui qui a pris les décisions, et qui les a assumées en public jusqu'à présent

"Je ne sais pas si j’ai cette patience-là, avec des incertitudes", ajoutait-il, en faisant référence aux changements à venir au sein de son équipe. "Au-delà d’être compétitifs, il faut qu’on soit des vainqueurs. [...] On a construit ce projet pour gagner des Majors. Je le répéterai et je le martèlerai, je ferai tous les choix dans ce sens". Ainsi, quelques semaines plus tard, avec un trailer aux allures de véritable blockbuster, Magisk, dupreeh et zonic officialisaient leur arrivée au sein de la Ruche : le "show" proposé est à la hauteur des ambitions de la première structure esportive tricolore.

Pour autant, malgré les arrivées conjuguées de trois titans aux palmarès des plus conséquents, de la même façon qu’un Messi aux sept Ballons d’Or ne peut pas résoudre tous les problèmes internes au PSG, rien ne pouvait assurer la réussite immédiate de cette nouvelle composition mi-française, mi-danoise au plus haut niveau. Il s’agit même d’une question de logique.

Devenir une équipe ne peut se résumer à l’addition de "superstars" et, au regard de la qualité présente dans chaque composition en place sur la scène Counter-Strike pour cette saison 2022 (NAVI, Gambit, FaZe, G2, Virtus.pro, Heroic ou encore les surprenants ENCE, pour ne citer qu’eux), il y a des étapes nécessaires à franchir avant de pouvoir ambitionner de remporter ce fameux Major. Accepter la souffrance de quelques échecs – qui pourraient devenir fondateurs au fil du temps – représente cette première étape.

En difficulté chez Astralis, dupreeh semble revivre individuellement depuis qu'il a rejoint Vitality

Mais finalement, malgré ses ambitions et les millions dépensés, qui pouvait croire que Vitality allait exprimer son plein potentiel, seulement trois mois après la modification de sa line-up ? Au micro de 1pv, l’ancien membre du roster actif de G2, AMANEK, expliquait récemment : "Il y a eu beaucoup de changements en début d’année [...] Le niveau monte en puissance. [...] C’est au Major qu’on verra les équipes avec leur plein potentiel".

Dans les faits, l’homme à la grande polyvalence dans le jeu n’a pas tort. Pour le moment, nous ne sommes qu’au prélude de cette saison qui s’annonce déjà épique au regard du fameux potentiel des prétendants aux titres à acquérir. Ayant vécu la transition d’une équipe française vers une équipe internationale chez G2, AMANEK ajoute : "La langue, c’est vraiment clé dans une équipe. Surmonter cette barrière, c’est une épreuve au quotidien [...] Je pense qu’il faut au moins 5-6 mois [pour franchir cette étape]. Après, cela dépend de comment travaille l’équipe".

ZywOo et la zone de confort

En toute logique, franchir cette barrière de la langue ne sera donc pas un travail facile, alors que, dans le même temps, d’autres équipes portant un projet de continuité de la saison précédente progressent encore. Ainsi, perdre face à Heroic et Gambit en début de saison, lors des IEM Katowice, n’a rien d’alarmant. Plus récemment, l’ESL Pro League (avec trois défaites face à ENCE, FURIA et FaZe, pour une seule map inscrite face à ces équipes), semble cependant indiquer que le chantier sera bel et bien conséquent. Durant les groupes de la BLAST Premier Spring, Vitality était parvenue à prendre le dessus sur FaZe (19-15, avec une victoire face à G2 en plus, lors d’un bo3), avant de chuter face aux coéquipiers de karrigan (10-16) lors de la revanche.

AMANEK est probablement le joueur français le plus expérimenté à l'international, donc il sait de quoi il parle

Cette dernière fois, l’écart est apparu plus important avec la structure américaine. Si la manière interroge, c’est surtout le temps qu’il reste à Vitality pour progresser qui demeure une équation inexacte. Dans un mois, la Ruche prendra part aux qualifications pour le Major. L’objectif premier affiché par ses dirigeants. Mais combien de temps a mis NAVI pour remporter un Major ? En 2018, qui attendait Cloud9 vainqueur du plus prestigieux des trophées ? Et est-ce que FaZe méritait plus une victoire au regard de ses investissements et de la qualité présente dans ses rangs ? Si à la fin, il ne peut en rester qu’un, l’aléatoire d’une grande compétition est toujours à prendre en compte.

D’ici là, il reste encore du temps pour combler les failles qui sont apparues dans le jeu et, surtout, pour peaufiner la communication de l’équipe. Durant ces qualifications pour le Major, du 17 au 20 avril prochain, le fameux délai de cinq à six mois pour unifier une équipe internationale évoqué par AmaNek sera quasiment atteint. Au mois d’avril 2021, Kylian Mbappé expliquait : "Bien sûr que l'égo est important parce que, quand vous êtes dans le dur, personne d’autre que vous-même ne va vous pousser. Et il faut que vous vous persuadiez que vous êtes capable de renverser des montagnes. Les gens ne comprennent pas l’égo mais quand tu n’es pas bien, il n’y a personne qui va venir chez toi te dire que tu es capable de faire ça. Il n’y a que toi et ton 'mindset' [l’état d'esprit]. Ce n’est que toi. Il faut se persuader que vous êtes capable de faire de grandes choses."

Si ZywOo est toujours le meilleur joueur chez Vita, il est loin de son meilleur niveau en ce début d'année

Chez Vitality, à l’heure actuelle, l’autre donnée qui interroge reste le niveau affiché par ZywOo depuis l’arrivée des Danois, bien en deçà de ses standards des années précédentes. À la veille de l’annonce de sa nouvelle composition, Neo avait expliqué : "ZywOo peut encore grandir, mais pour cela, il faut qu’il voie autre chose". Est-ce que le double meilleur joueur au monde trouvera le caractère nécessaire pour retrouver son efficacité d’antan ? Il faut l’espérer... N’importe quel grand joueur connaît une période de creux dans sa carrière et pour devenir le meilleur, sur la durée, il faut parfois accepter la souffrance pour progresser, encore et encore.

Messi était le meilleur joueur du monde à Barcelone sans grands changements au fil des années, Cristiano Ronaldo a voyagé de club en club (Manchester United, Real Madrid, Juventus Turin) sans jamais chuter de niveau. Alors, est-ce que ZywOo, sous ses airs angéliques, sera plutôt du côté de Messi, favorisant son confort au quotidien en Catalogne, ou de Ronaldo, capable de s’adapter à n’importe quelle situation ? La réponse à cette question est pour bientôt.

À ce stade de la saison, même si Vitality peut sembler en retard sur sa progression et l’exploitation de son plein potentiel, enterrer cette équipe au regard de la qualité et de l’expérience présentes dans ses rangs serait une hérésie. En cas d’échec au Major, si Neo avait expliqué qu’il n’était pas prêt à attendre "deux ans potentiellement" pour gagner le plus prestigieux des trophées, il faudra que la Ruche revoie ses plans et accepte la patience nécessaire pour arriver à ses fins.

C’est la dure loi du sport. Et puis, au regard de son investissement, la dernière danse d’apEX au plus haut niveau mérite une mélodie plus appréciable que les derniers évènements.

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