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L'armée des ombres : l'organisateur (3/4)

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Joueurs, commentateurs, analystes, tous sont présents et visibles chaque semaine ou presque dans les différentes lans à travers le monde. Mais derrière chacun de ces tournois, qui y a-t-il ? Qui sont ces hommes et femmes de l'ombre qui rendent possibles ces événements et leurs déroulements, qui proposent toujours plus de contenu, en restant derrière les projecteurs ? Que font-ils exactement ? Cette série d'interviews intitulée L'armée des ombres, en espérant que Joseph Kessel ne nous en veuille pas trop de lui emprunter le titre de son roman, vous emmène à la rencontre de quatre de ces personnages. L'esport n'est pas toujours leur gagne-pain, et c'est avant tout animés d'une sincère et profonde passion qu'ils font ça. Car si la scène vit, c'est aussi grâce à eux.

L'esport et CS:GO ont envahi les stades et autres arènes depuis maintenant de longs mois. Si on ne connaît jamais vraiment à l'avance la prochaine escale du jeu de Valve, Ulrich Schulze en sait sans doute un peu plus que la plupart d'entre nous. Vice-président de la section gaming d'ESL, il est pour beaucoup dans l'organisation de ces événements chaque fois un peu plus fous.

Salut Ulrich, peux-tu te présenter et nous dire quel a été ton parcours pour en arriver au poste où tu es actuellement chez ESL / Turtle Entertainment ?

J’ai commencé en 2006 en tant que commentateur, puis après un certain temps je suis devenu rédacteur en chef.

Les gens connaissent bien ESL, mais ne savent pas forcément ce qu'est Turtle Entertainment. Peux-tu nous expliquer ce que c'est, et quels sont les liens entre les deux ?

Turtle est le nom de l’entreprise, et ESL est notre marque principale. Nous organisons beaucoup de choses sous le nom d’ESL, mais pas seulement. Donc tout ce que nous faisons est un produit de Turtle, mais pas forcément d’ESL.

Dans cette interview, nous allons nous intéresser au côté "organisationnel" des lans, surtout depuis que l'esport explose et envahit les grandes salles et les stades. Pour toi, à partir de quel moment l'esport a basculé et est entré dans une nouvelle dimension, qui lui a ouvert les portes de lieux prestigieux ?

Tout a commencé en 2014, alors que l’esport prenait de l’ampleur, il est devenu évident que les gens voulaient de grands événements (après Katowice 2013, qui a été le premier de ce genre pour nous). En 2014, nous avons pris quelques risques avec Francfort et New York, et ça a fini par payer. Nous avons donc organisé d’autres événements par la suite.

Les IEM Katowice 2013, CS:GO n'y était pas encore, mais le public répondait déjà présent

Concrètement, comment se déroule le choix des salles et stades dans lesquels les événements vont avoir lieu ? Avez-vous des lieux "objectifs", où vous désirez particulièrement aller ?

Il y a certains endroits où nous retournons chaque année, comme Cologne et New York. Sinon, nous essayons de nous développer là où il y a beaucoup de fans, comme en Asie du Sud-Est, où nous avons organisé un évènement en Malaisie cette année. Nous cherchons systématiquement à nous installer là où les fans viendront assister aux tournois, en prenant également en compte les fuseaux horaires et la présence de partenaires sur place.

D'un point de vue planning, combien de temps à l'avance un lieu est-il réservé ? On voit par exemple pour l'ESL One Cologne que la Lanxess Arena est réservée d'une année sur l'autre, est-ce une exception ou le cas le plus courant ?

Pour nos événements annuels, c’est toujours comme ça. Pour la planification, nous commençons habituellement 10 à 12 mois avant l’événement, parfois moins. Mais les cycles de planification sont clairement de plus en plus longs à mesure que les choses s’établissent.

La "construction" des scènes a beaucoup évolué avec de plus en plus de décors, d'effets, de lumières. Lors du dernier ESL One Cologne par exemple, il y avait des écrans très étroits disposés en arc-de-cercle sur scène. Comment cela est-il pensé, réfléchi ? Y a-t-il des "spécialistes" de ce genre de choses ?

Oui, nous avons effectivement une équipe d’experts en production qui conçoivent les scènes, et travaillent avec nos fournisseurs pour mettre en place la production. Nous essayons de ne pas tout réinventer à chaque fois, par exemple ces derniers temps nous réutilisons le même setup pour les joueurs. Pour les gros événements en revanche, on essaye d’innover à chaque édition.

L'arc de cercle d'écrans à Cologne, au-dessus d'EliGE et peacemaker

Combien de personnes sont nécessaires pour préparer un lieu en entier, avec l'installation de la scène, de tous les écrans, éclairages, etc ? Et combien de temps en amont de l'événement cela commence-t-il ?

Le planning de production commence des mois en amont, mais son installation est généralement faite quelques jours avant le début de l’événement. Quelquefois nous n’avons que très peu de temps pour tout mettre en place, et nous devons tout terminer en 48h. Même si on préférerait avoir plus de temps pour l’installation, notre équipe est assez expérimentée pour travailler sur de courts délais.

Y a-t-il des différences entre l'organisation et la mise en place d'un Major (sur CS), et une autre compétition plus "classique" ?

La principale différence, c’est l’envergure de l’événement. Lors d’un Major, il y a plus d’équipes, nous avons plus de moyens et des fonctionnalités uniques, comme la réalité augmentée. Evidemment, les Majors sont aussi essentiels pour Valve, donc nous sommes en étroite collaboration avec eux et organisons l’événement ensemble.

Sur des jeux comme LoL, il arrive souvent de voir les joueurs au centre de la salle ou du stade, et le public tout autour. Sur CS, on est presque tout le temps sur une scène "classique", avec le public uniquement en face. Comment expliques-tu cela ? CS pourra-t-il aussi être "au centre" un jour ?

La scène centrale est quelque chose d’unique, mais elle apporte aussi son lot de challenges. Les joueurs font dos à une partie du public, il faut donc cacher tous les éléments "backstage", et il est parfois compliqué de positionner les caméras. Le setup audio est aussi plus difficile à mettre en place quand les joueurs sont au centre. Il me semble que la Dreamhack va utiliser une scène centrale à Las Vegas, mais en ce qui nous concerne, nous allons pour le moment en rester au setup traditionnel.

La DreamHack Winter 2014 reste encore aujourd'hui l'un des seuls tournois à s'être déroulé sur une scène centrale

Des événements récents comme l'EPICENTER Moscou semblent avoir mis la barre encore plus haute avec une cérémonie d'ouverture scénique et des effets visuels assez poussés. Qu'as-tu pensé de cette performance ? Est-ce quelque chose qui est amené à se développer et à devenir "normal" ?

L’EPICENTER a proposé une superbe cérémonie d’ouverture, et je pense que ces éléments "hors jeu" vont devenir de plus en plus importants à mesure que les événements prennent de l’ampleur. Ça ne remplacera jamais le contenu des matchs, mais ça rajoute certainement du spectacle.

Y a-t-il une limite à l'expansion de l'esport ? Il remplit déjà des lieux très prestigieux, que lui reste-t-il à visiter, qui surpasserait ce qui a déjà été fait ?

Avoir plus de gens qui nous regardent derrière leur écran ou qui se rendent aux tournois, à plus d’endroits et plus souvent… Je pense que c’est là le développement naturel à mesure que l’esport gagne en popularité. Nous aimerions évidemment remplir les plus grandes arènes partout dans le monde, donc voilà la prochaine étape : nous assurer que toutes les places soient vendues à chaque fois.

Soyons un peu chauvin. Il n'y a pas de gros événement en France, si ce n'est l'ESWC et la DH Tours, mais qui n'attirent plus les équipes du top. Y a-t-il une raison particulière à ce qu'aucune étape ne soit programmée en France ? Aucun lieu qui ne conviendrait ? Ou une belle surprise nous attend peut-être dans le futur ?

En fait, la France est déjà sur notre liste pour un futur très proche. Le pays a de très bons fans et un grand potentiel de partenariats, donc c’est un lieu idéal pour accueillir un événement. Surveillez de près nos déclarations...

Quel a été la lan sur laquelle tu as pris le plus de plaisir à travailler ? Celle qui t'a donné le plus de fil à retordre ? Et que ressent-on en lorsque la lan est en cours, que le public crie, que les joueurs se déchaînent, que l'ambiance est folle, lorsque l'on sait tout le travail que cela a demandé ?

Francfort 2014 a été mémorable, parce que c’était notre premier grand événement en Allemagne organisé dans un stade, et Cologne 2016 a été incroyable parce que nous avons vendu toutes nos places. Des événements comme ceux de Manille ou Sao Paulo sont plus compliqués à gérer, à cause des différences locales vis-à-vis des méthodes de travail et des coutumes, mais on s’en sort à chaque fois. Rien ne peut être comparé aux sentiments qu’on ressent quand le spectacle commence devant une salle bondée. C’est là qu’on comprend pourquoi on a travaillé si dur.

Tu travailles finalement dans l'ombre : ton travail permet à l'esport de se développer et à des événements incroyables d'avoir lieu, mais tu n'es presque jamais mis en avant. Ce manque d'exposition, de reconnaissance, ne te dérange-t-il pas ?

Absolument pas, et il y a une grande équipe derrière tout ça qui elle aussi n’est que très peu mise en avant. Ça fait partie du job : les joueurs sont les stars, ce sont eux que les gens veulent voir. Pour moi, voir le public apprécier un événement que nous avons organisé est amplement suffisant, en plus de savoir que j’ai pu participer à ce succès.

Un grand merci à Ulrich Schulze pour l'interview, à Houarnev pour le contact, à Miles, Stonz et DerBadin pour la traduction et à Elnum pour la bannière

Crédits photos : ESL, DreamHack, HLTV

Vous pouvez retrouver les autres interviews de la série : l'administrateur - l'observer - la photographe

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